Le colbertisme et l’apparition d’une structure économique nationale

Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) est connu comme un des plus grands commis de la royauté française. Il exerce le rôle de « Contrôleur général des Finances » sous le règne du monarque Français Louis XIV entre 1665 et 1683. Il part du principe que « la liberté est l’âme du commerce ». Il met en place un programme de réformes économiques et sociales visant à consolider la puissance de l’État, renforçant ainsi l’absolutisme qui est en plein essor.

La naissance du colbertisme

            Le colbertisme peut être considéré comme une variante française du « mercantilisme »[1]. Le mercantilisme est apparu au XVIe siècle, il vise à enrichir l’État par l’accumulation d’or et de métaux précieux. Dans les années 1660, Louis XIV doit s’enrichir à l’instar des particuliers pour financer la construction du château de Versailles. En 1661, le roi crée le « Conseil royal des finances » afin d’assister ce qui sera le futur rôle de Colbert. La même année, Colbert lance un nouveau modèle économique mais n’est toujours pas ministre du roi. C’est en 1665, qu’il endosse le rôle de Contrôleur général des Finances.  

Au XVIIe siècle, deux idées sont présentes. La première idée est que la puissance d’un État repose sur l’abondance de son stock métallique et monétaire, et que le niveau de richesse disponible est constant et non extensible. C’est-à-dire que la puissance du royaume de France repose sur sa très grande quantité de stock métallique et monétaire qui constitue sa richesse. Cependant, cela signifie aussi que ce niveau de richesse ne varie pas et que cette richesse n’est pas infinie. La deuxième idée est que l’enrichissement du royaume de France passe par l’amoindrissement d’un autre territoire et par une guerre économique : « il n’y a qu’une même quantité d’argent qui roule dans toute l’Europe […] On ne peut augmenter l’argent dans le royaume, qu’en même temps l’on en ôte la même quantité dans les États voisins » (Colbert)[2].

Les objectifs du colbertisme

Le colbertisme met à contribution deux acteurs économiques interdépendants : le territoire et l’État. Le tout dans l’objectif de concilier espace économique et territoire politique.  Enrichir l’État est l’un des principaux objectifs sous le règne de Louis XIV. Colbert va donc mener une politique protectionniste et dirigiste pour contrôler l’ensemble des activités économiques[3]. Cela se traduit par :

  • L’intervention systématique de l’État dans l’économie (le dirigisme)
  • L’État qui désigne la politique économique et ses pratiques pour défendre ses intérêts face à une concurrence étrangère (le protectionnisme) 
  • Le contrôle du commerce extérieur
  • Le développement de l’industrie et du commerce dans le royaume

Désormais, on assiste donc à une territorialisation de l’économie et à un interventionnisme étatique aux côtés de celle-ci[4].

Les réformes et les changements apportés

                  L’aspect protectionniste et le contrôle du commerce extérieur se développent avec l’apparition de deux tarifs douaniers. Le premier tarif douanier de 1664 possède 700 articles. Colbert et Louis XIV veulent freiner les importations et se positionner vis-à-vis des puissances extérieures. Il n’y a pas de taux unique mais des droits spécifiques pour chaque produit. Ce premier tarif douanier sert à unifier treize provinces du royaume de France en supprimant les barrières intérieures au sein de celui-ci. Le préambule mentionne que « sa majesté a réglé et unis à un seul droit d’entrée pour la facilité du commerce et commodité des marchands »[5]. C’est en 1667 que le second tarif douanier de 57 articles est mis en place, portant sur une guerre commerciale contre les Provinces Unies et l’Angleterre. Avec ce texte, les droits sur les marchandises manufacturées et les tissus ont subi une augmentation de 100%[6].

Pour le développement de l’industrie et du commerce, deux types de « manufactures » sont créées : royales et d’État. Les manufactures dites « royales » sont des ateliers royaux qui vont créer des biens de luxes pour la Couronne. Par exemple, la manufacture de Saint-Gobain créée en 1665 pour le verre, qui aidera pour la création de la Galerie des Glaces à Versailles. Les manufactures dites « d’État » sont des entreprises protégées qui visent à développer l’économie française, tout en fournissant des produits de luxe pour la Couronne également. Notamment la manufacture des Gobelins, spécialisée dans la tapisserie et les meubles. Les salariés présents dans ces manufactures reçoivent des privilèges personnels tels que des exemptions fiscales et des primes de mariage[7]. Après ces réformes, un édit est adopté en 1673 à l’initiative de Colbert et les personnes travaillant dans le secteur du commerce s’établissent en « communautés ».

Ainsi, le colbertisme est le reflet de l’absolutisme souhaité par Louis XIV. L’ensemble des réformes sociales et économiques mises en place lors de cette période ont permis à Louis XIV de contrôler la nouvelle politique économique du royaume.

Références

[1] (Droit.cairn.info)., SALLES, D., « Colbertisme »

[2] Ibid.

[3] (Toupie.org)., « Colbertisme »

[4] (Droit.cairn.info)., SALLES, D., « Colbertisme »

[5] (Histoire-de-la-douane.org)., « 1664…Une date qui ne manque pas de saveur ! »

[6] Ibid.

[7] (Droit.cairn.info)., SALLES, D., « Colbertisme »

Crédits photos : Crédits : Par Philippe de Champaigne — Metropolitan Museum of Art, online collection (Identifiant Metropolitan Museum of Art 435886)


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